Statue de saint Mesrop,
square de l’Europe Alfortville
S
S.Nicolaîd
es
Destins.
Histoire d’une famille
.
La photo N°1, tirage albuminé contrecollé sur carton, porte le nom des photographes en osmanli, en
arménien et en anglais Mostidjian Bros. Césarée.) photos du "vieux pays" ( comme dit W.Saroyan)...
Je vous présente la photo de mariage de ma grand'mère Chamiram ( Chahanar pour les Turcs) Tountian née à
Mersineen 1885 et de mon grand-père Parsegh Guémidjian ( Guémi en turc= bâteau à voiles) en 1901 à
Guéssaria (
Kayseri)
Elle a 16 ans, lui
30; ils ont une maison dans un bourg. Il est
négociant en
fruits secs (il parcourt les campagnes et achète
les récoltes des
paysans) Ils ont un cheval et un âne (signe
extérieur de
richesse en ce temps-là !)
A Kayseri même
vit le frère de Parsegh, Der Ghévont Guémidjian,
qui sera pendu
le 13 août 1915 avec 11 autres notables..
(cf/cité dans
l'ouvrage de R.H.Kévorkian "Le Génocide des
Arméniens Paris,
Odile Jacob 2006, page 644)Chamiram et
Parsegh
s'établissent ensuite en 1913 à AnkaraLui ,
après quelques mois en prison, sera déporté
vers la Syrie et mourra en route d'épuisement
(aux dires d'un voisin rescapé de l'enfer)
Elle, soudoyant les gendarmes, avec des
pièces d'or cousues dans les ourlets de ses
vêtements parviendra à gagner
Constantinople.Accompagnée de ses deux fils
Mikaïl (10 ans ) et Kévork (8 ans), elle
accouche de ma maman Arghavni quelque part
sur la route entre Kayséri et Konya dans une
pièce d'une maison que des Grecs ( non-encore
persécutés) prètent à quelques réfugiés. On
tend un rideau dans la pièce pour qu'elle puisse
accoucher décemment. Elle reçoit également
quelques secours d'une famille d'Arméniens
Shabbatabah ( qui gardent le Shabbat) et qui
eux n'étant pas Arméniens apostoliques
n'auraient pas
été déportés (?). Arrivée à Constantinople elle
trouve un travail de plonge dans un restaurant
tenu par les deux frères Zakharian.L'un des
deux, Parsegh ( encore un!) s'éprend d'elle et, en
1921, demandant sa part à son frère, épouse
Chamiram .Ils embarquent pour l'Europe. Mikaïl
sera envoyé à Corfou au Consulat anglais, où
hélas, il apprendra à boire dans les caves avec
les domestiques.Kévork, lui est recueilli par le
Foyer Arménien de Genève-Bégnins, dirigé par A.
Kraft Bonnard, où il apprendra l'horticultureet
se liera d'amitié avec un pédagogue Arméno-
suisse Mr Kévorkian avec lequel il correspondra toute sa vie jusqu'à sa mort. Aghavni , ma maman, aurait pu être adoptée par de riches
Arméniens d'Amérique en mal d'enfants mais Chamiram refusa.Ils arrivèrent en France par Marseille la Porte maritime des émigrés...
Cette photo a été prise en 1921 à Constantinople peu avant le départ pour Marseille en bâteau.Ma grand-mère Chamiram et ma grand-
tante Loussapayl ont perdu leurs maris dans l'enfer du Génocide.Chamiram travaille alors comme plongeuse dans le restaurant de deux
frères arméniens -Zakarian.L'un d'eux Parsegh (lui aussi comme son premier mari) épouse Chamiram et décide de partir, demandant à
son frère sa part du restaurant.Au moment de l'embarquement les fonctionnaires turcs, débordés, enregistrent un peu n'importe qui ,
n'importe comment, du moment que les Arméniens quittent la Turquie : Parsegh, par commodité décide de donner son nom à ma mère.
Et l'employé turc, fatigué sans doute, l'enregistre sous le nom d'Azadouhi. Elle vivra donc désormais sous une identité totalement fausse
passant d'Aghavni Guémidjian à Azadouhi Zakarian...De plus comme on ne sait trop où elle est née en 1916 quelque part sur la route
entre Kayséri (Guéssaria) et Konya,on la déclare née à Constantinople...Les deux fils de son premier mariage Kévork et Mikaël Guémidjian,
emmenés l'un au Foyer Arménien d'A. Krafft-Bonnard à Begnins, près Genève, et l'autre engagé comme petit domestique au Consulat
anglais de Corfou arriveront en France quelques années plus tard.
La famille débarque à Marseille et est autorisée à monter à Paris où un oncle, ayant senti le vent de la tourmente venir, s'était déjà établi
depuis quelques années, ouvrant un commerce de grammophones et de disques.
Il se constitua répondant ce qui permit aux autres membres de la famille d'éviter
les camps d'internement marseillais
( comme le fameux Camp Odo). Sur la photo on peut voir : (de gauche à droite)au
premier rang, ma mère Aghavni- Azadouhi, deux cousins Tchakmaklianau second
rang ma grand-mère Chamiram, une cousine Tchakmaklian, ma grand-tante
Loussapayl et au dernier rang mes onclesKévork et Mikaël.Parsegh n°2 n'est pas
sur la photo. Il manque également une fille de Chamiram morte à un an de
maladie (Typhus?) et un petit garçon de Loussapayl, disparualors qu'il se trouvait
dans la colonne de déportation (tué ? enlevé ?)Une des filles de Loussapayl suivra
une famille de riches Anglais d'Egypte comme nounou et finira ses jours en
Australie.Loussapayl ne se remaria jamais : chez elle il fut désormais interdit de
parler le turc en sa présence...
Récit :Pascal Nicolaïdes.
MZA V11.1
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