La langue, part 2
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L’arménien en France
En 2007, l’année de l’Arménie a été l’occasion de présenter aupublic français une série de manifestations culturelles
autour de l’Arménie et des Arméniens.
Dans les années 1920, la France accueillait sur son sol quelques 60 000 réfugiés arméniens, rescapés du génocide
de 1915.
Débarqués à Marseille, certains s’y installent, d’autres essaiment le long de la Vallée du Rhône pour travailler dans
les industries textiles de la région lyonnaise ou de l’Isère, d’autres enfin font souche en région parisienne où ils fondent
de véritables « villages arméniens » à Alfortville, Issy-les-Moulineaux, Arnouville.
Ouvriers, artisans, commerçants, c’est pour eux le début d’un long processus d’ascension sociale et d’intégration à la
société française. Ces « apatrides » seront, pour la plupart, naturalisés français après 1946.
Quatre-vingts ans après, on compte environ 400 000 Français d’origine arménienne. Ils se sont intégrés de façon
exemplaire à la société française ; certains d’entre eux ont connu des réussites exceptionnelles comme le chanteur
Charles Aznavour, le cinéaste Henri Verneuil ou le député et ancien ministre Patrick Devedjian.
Pour autant, ils n’ont pas oublié la langue et la culture arméniennes. Jusqu’aux années 1960, la France est un
des principaux foyers de la littérature et de la presse d’expression arménienne, elle compte encore aujourd’hui
plusieurs écrivains arméniens de premier plan. À partir des années 1970, un renouveau se manifeste au sein de
la troisième génération, qui cherche à se réapproprier sa langue et sa culture d’origine. Cette évolution illustre ainsi
à sa manière le débat toujours en cours sur les phénomènes croisés que sont l’immigration, l’intégration et le
plurilinguisme.
On mesure la trajectoire particulière dont sont porteurs les descendants : intégrés à la société d’accueil, dont ils
ont assimilé la langue et les valeurs, ils investissent néanmoins d’un fort désir la langue et la culture des
grands-parents, un désir qui en dit long sur l’identité appréhendée comme un fait symbolique impliquant l’individu
et la communauté.
Cet alphabet, destiné
à la traduction de la Bible,
a immédiatement donné lieu à
une littérature classique florissante.
Les premières oeuvres
du V e
siècle sont essentiellement
historiographiques ;
elles sont rapidement suivies
d’oeuvres théologiques et
de très nombreuses traductions
du grec (Pères de
l’Église, historiens, théologiens,
philosophes), puis
d’oeuvres poétiques (hymnes,
fables…), juridiques, scientifiques
(grammaires, géographie,
puis, au temps des invasions
arabes, des traités
médicaux et vétérinaires).
Une langue moderne se rapprochant
de la langue parlée
apparait pour la première fois
dans les textes au XIII e
siècle
quand, fuyant les invasions
mongoles, les Arméniens quittent
le plateau arménien et sa
capitale Ani pour fonder un
nouveau royaume en Cilicie.
Alors que sous la dynastie
précédente des Bagratides,
on utilisait le grec ou l’ara-
méen comme langue de chancellerie
et l’arménien classique
pour les usages religieux
ou littéraires, le nouveau
Royaume choisit pour la première
fois de rédiger ses textes
officiels, et notamment
juridiques, dans une langue
qui se veut compréhensible
par tous ; l’arménien classique
reste toutefois la langue
littéraire noble jusqu’au milieu
du XIX e
siècle, même si la langue
moderne en gestation
transparait dans différents
textes.
Le XIX e
siècle est celui de la
L’arménien constitue unrameau isolé
au sein de la famille des langues
indo-européennes. À partir du Moyen
Âge, l’arménien classique cède progre-
ssivement la place à deux branches
qui ont donné naissance,au XIX e
siècle à deux variétés normées :
l’arménien occidental
et l’arménien oriental
L’Arménie étant située à la
frontière des grands empires
qui ont successivement
dominé la région, la langue
arménienne s’est trouvée en
contact avec de nombreuses
langues de groupes différents
qui ont influencé son développement
à divers stades de son
histoire. Au stade ancien, on
note des analogies de structures
avec le grec, et de nombreux
emprunts lexicaux à
l’iranien, mais aussi des traces
du substrat ourartéen, qui
n’est pas rattaché à la famille
indo-européenne. Plus tard,
le bilinguisme prolongé des
Arméniens avec le turc a infléchi
le développement morphosyntaxique
de la langue
et apporté de nombreux
emprunts encore très vivants
dans les dialectes. Malgré
tout, la langue moderne a
gardé une grande proximité
avec la langue classique,
notamment au plan phonologique
et lexical, ainsi que pour
la morphologie du verbe. Le
lexique et les modes de formation
lexicale sont également
restés stables malgré la
concurrence des emprunts.
Au V e
siècle, l’arménien a été
doté d’un alphabet original,
dont la création est attribuée
à l’ecclésiastique Mesrob
Machtots.
modernité pour les
Arméniens : une riche littérature
se développe avec un
courant romantique, puis la
naissance d’une prose
réaliste, et une intense activité
de traduction d’oeuvres
occidentales, en même temps
qu’un travail de normalisation
de la langue moderne, qui
devient langue littéraire. Puis
à la charnière du XX e
siècle, la
prise de conscience de la
richesse dialectale conduit à
un nouvel enrichissement de
la langue moderne, notamment
grâce à la découverte
par les ethnographes de l’épo-
pée orale de David de
Sassoun, qui a fait l’objet, en
1939 d’une édition intégrant
l’ensemble des récits
recueillis dans diverses
variantes dialectales. Après la
constitution de la grande
diaspora consécutive au
génocide de 1915, la culture
arménienne occidentale se
développe hors de son territoire,
que ce soit au Moyen-
Orient ou ailleurs, considéré
encore aujourd’hui comme le
conservatoire de l’arménien
occidental. En France, un courant
littéraire important apparait
à Paris entre les deux
guerres mondiales (voir l’arti-
cle p. 4-5). Aujourd’hui, on
compte en France deux
grands poètes arméniens :
Krikor Beledian et Zoulal
Kazandjian. Un quotidien en
langue arménienne, Haratch
(audience : environ 10 000
lecteurs, y compris hors de
France), parait à Paris depuis
plus de soixante-dix ans ; sont
publiés également en France
plusieurs journaux bilingues à
dominante arménienne
(Gamk, quotidien) ou française
(France-Arménie, mensuel
; Achkar, hebdomadaire).
L’arménien occidental est
désormais parlé uniquement
en diaspora, ce qui a des
conséquences sur son développement
sociolinguistique :
les locuteurs font un usage le
plus souvent restreint des
registres stylistiques, soit par
manque de compétence, soit
au contraire par purisme.
Ajouté au bilinguisme massif,
le phénomène des néo-locuteurs,
qui n’est pas encore
dominant, mais pourrait le
devenir, conduit à l’émer-
gence de nouvelles ramifications
dialectales fondées sur
le type de bilinguisme auquel
sont confrontés les locuteurs
de l’arménien occidental : la
langue évolue en effet différemment
dans les foyers
anglophones, francophones,
hispanophones, par le biais
notamment de calques des
langues de contact (comme
« troisième âge » venu du français).
Mais certains dialectes
arméniens subsistent encore
dans certaines régions,
notamment au Moyen-Orient,
et enrichissent la vitalité de
l’arménien occidental. Dans
toute la diaspora, et notamment
en France, un renouveau
linguistique se manifeste à
partir des années 1970,
lorsque la troisième génération,
parfaitement intégrée,
cherche à se réapproprier sa
langue d’origine. L’essor
récent des écoles bilingues
franco-arméniennes est le
signe de la poursuite de ce
mouvement.
L’arménien occidental, destin d’une langue de diaspora, par Anaïd Donabedian (INALCO
MZA V11.1
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